Le prochain centenaire et nous !
Notre jeune nation dans sa construction a été confrontée à de nombreux défis au cours de sa première soixantaine mais n’a pas succombé comme le prévoyait ces faucons d’outre-mer pour qui le ”NON” de 58 a été une offense, une blessure qui restera gravée dans les mémoires de l’histoire.
Nos pères fondateurs ont transcendé l’ethnie, la communauté, la religion, l’égo pour choisir le chemin de l’affranchissement colonial et ont su REVER pour nous. Ce sursaut avait un seul but, la LIBERTE. Mot simple mais fort de contenu, de sens et d’exigence. La liberté d’une personne, d’un peuple, d’une nation est comme l’air que respire tout un chacun. Privé, l’être perd sa raison d’exister, il cesse de rêver pour devenir un guerrier prêt à tout faire pour reconquérir cette liberté.
Le rêve était permis, l’espoir était naissant, la liesse populaire était normale. Soixante ans (60) après, cette jeune nation guinéenne aura traversé une mer agitée, affrontée des défis énormes, le communautarisme intellectuel a été exacerbé. Certains ont défendu cette nation au prix de leur vie et d’autres se sont enrichis, mais pis, des vies entières ont été noircies. Est-ce cela le bilan de notre nation ? Je dirais NON et encore NON.
La Guinée est et restera débout. En 60 ans, nous avons été audacieux, innovant et conquérant pour qu’aujourd’hui, cette jeune génération qui écrira la nouvelle page de la Guinée brille par sa réclamation pour plus de LIBERTE et de meilleure gestion au bénéfice de tous.
Les 60 prochaines années sont pour nous et non pas pour les autres. Elles seront ce que nous voudrions qu’elles soient. Pour ma part et pour celle de la génération consciente et patriote, nous la ferons de transformation, de construction, de travail, de justice, de prospérité et surtout de LIBERTE en respectant nos valeurs et coutumes.
Jeunes de Guinée, si nous avons eu le droit de choisir la Liberté en 58, nous sommes en devoir d’assumer notre histoire et de se tourner vers l’avenir qui sera meilleur.
Je suis rassuré d’un fait, cette jeunesse guinéenne tirera les leçons des soixante années passées, transcendera les clivages communautaristes instaurés par certains politiciens en manque de vison.
Le soft power qui se construit lentement tant à l’interne qu’à l’externe atteindra son summum de maturité et transformera ce beau pays en un havre de paix et de prospérité.
La puissance énergétique en devenir ainsi que les socles de croissance pour un développement instauré ces dix dernières années ne resteront pas vaines.
Pour ma part, notre futur dépend plus de ce que nous construirons que de ce que nous avons vécu. Deux scénarios se pointent à l’horizon.
Prévenir et conquérir le futur est la magie qu’un être humain peut réaliser.
Scénario négatif
Le débat politique est vide de contenu, pas de débats sur les enjeux de développement. Les axes ou approches stratégiques de développement, visions et convictions politiques n’existent pas dans le langage politique et public des élites. Les questions essentielles ne sont pas débattues de façon intellectuelle, structurée et contradictoire. Quelle politique économique pour les 50 prochaines années ? Comment résorber le chômage ou sous-emploi des jeunes ? Quel modèle de décentralisation ? Comment encadrer l’apprentissage de la démocratie ? Quel citoyen guinéen voulons-nous avoir pour la construction d’un Etat – nation ? Quel modèle d’encadrement des élections ?
Contrairement à cela, l’ethno stratégie est initiée et entretenue par les élites. Certains partis politiques s’enfoncent dans le communautarisme. Les libertés individuelles sont bafouées. Les rendez-vous électoraux sont sources de forte tension. Les institutions républicaines naissantes sont mises à mal par les acteurs politiques devant les soutenir. La course à l’enrichissement individuel est accentuée tant dans le privé que dans le public. Pas de références coutumières et les devanciers sont traités comme des nuls.
Le libéralisme sauvage et non encadré gagne du terrain faisant que les nantis mobilisent les masses importantes de citoyens pour influencer les politiques même s’ils sont en mal avec la loi.
La défiance envers les autorités de l’Etat prend tantôt une dimension communautariste et des revendications locales exacerbées. Les dernières revendications dans certaines préfectures de la Guinée réclamant la réalisation de certaines promesses de campagne sont éloquentes, ce, en oubliant que le candidat devenu Président est confronté aux réalités de gouvernance et doit agir en fonction d’une programmation nationale. Ces revendications sont très souvent l’œuvre des cadres frustrés ou ceux cherchant des positions stratégiques devant les servir plus que servir l’Etat et les jeunes qu’on manipule çà et là.
Le clientélisme politique et la trahison des alliés politiques avec des va et vient entre mouvance et opposition ne sont pas de nature à discipliner le débat politique et fait perdre la confiance des citoyens aux acteurs politiques devant servir de modèle et d’exemple.
Le faible encadrement de la liberté de presse avec des dérives graves sont enregistrés sans que les autorités ne sévissent et lorsque les fauteurs sont interpellés l’opposition crie au musèlement de la presse. Or, nous sommes tous conscients que la presse a besoin d’encadrement dans un pays où l’émotion prend le dessus sur la raison. Les réseaux sociaux traitant des questions factuelles prennent le dessus sur le débat de fond que devrait aborder les partis politiques.
La question non vidée de certains « crimes » commis crispe le débat public ou selon les circonstances les uns deviennent des victimes ou les bourreaux. La responsabilité de l’Etat est confondue à celle des particuliers.
L’absence d’idéologie pour notre société laisse place à tous les charlatans politiques, intellectuels véreux et religieux à développer des paradigmes fallacieux menaçant notre devenir commun, ”La Guinée”.
Dans ce contexte, les organisations de la société civile florissantes comme les champignons censées s’indigner, interpeller et réguler sont dans l’ensemble infiltrées par les politiques ou des chercheurs de postes. Bien que ces dernières années, des actions de certaines entités de la société civile ont mises fin aux propos haineux, incendiaires, révoltant sur les réseaux sociaux, il n’en reste de même que la jeunesse composant ces organisations doivent choisir entre conviction et manipulation.
Scénario positif
« L’œuvre de construction nationale est longue, difficile et complexe. Elle se fait de manière séquentielle, avec des adaptations régulières » dixit Hadja Mama Kanny Diallo, Ministre du Plan et du développement économique.
Le processus démocratique enclenché en Guinée depuis 1993 est en marche et la création de nouvelles institutions constitutionnelles renforce cela. Ce qui est sûr, avec l’ouverture accélérée de la Guinée à cause des nouvelles technologies et les réalités sociopolitiques africaines et internationales, il n’est pas évident que ce processus soit interrompu longuement pour voir apparaitre un dictateur. La régularité de la tenue des élections en Guinée ne suffit certainement pas à faire de la Guinée un Etat de droit mais est encore meilleure à un système dictatorial.
La transformation économique amorcée ces dernières années par le Président actuel est une opportunité majeure. Les investissements en cours dans l’énergie feront de la Guinée une puissance énergétique qui favorisera à coup sûr la création d’emploi en milieux urbain et rural. Tout de même, la formation de ressources humaines qualifiées pour la gestion, la maintenance et la commercialisation de cette énergie au bénéficie de l’Etat s’avère une nécessité impérieuse sachant que le secteur est miné par la corruption. Quant à la diversification culturale avec l’introduction des espèces améliorées et l’acquisition des engrais par les paysans, elle devrait continuer et accompagner dans un programme structurant pour mieux rentabiliser les investissements afin de lutter durablement contre le chômage et la pauvreté. La Guinée à tout intérêt à investir davantage dans l’agriculture de façon concertée et programmatique pour les 50 prochaines années. La fibre optique offrira à la jeunesse guinéenne une révolution numérique qui nécessite déjà des programmes structurants. L’énergie avec accès aux nouvelles technologies dans un pays où la jeunesse occupe plus de 50% de la population, la Guinée devrait tirer profit de cette nouvelle génération accrochée à la technologie. Le succès de l’argent mobile en deux ans avec un opérateur téléphonique de la place devrait fortement inspirer et influencer les décideurs politiques.
Par contre, les infrastructures routières posent un défi majeur à la croissance et au dynamisme de l’économie guinéenne. En effet, des investissements ont été faits et de gros montants sont encore annoncés mais il faut de la rigueur, de la clairvoyance et un véritable programme de construction des routes et des chemins de fer. Cet autre secteur a besoin d’un véritable leadership.
Le futur c’est aussi, la compréhension du secteur touristique dans son entièreté afin de faire de la Guinée un véritable pays d’attraction touristique. Les vestiges de Niagassola, les forts coloniaux du littoral, le mausolée du fils de l’Almamy Samory TOURE, la case des 12 diwés du fouta, le chien qui fume, le mont Nimba, le pont de Dieu et la maison maudite à Dalaba, la dame du Mali, les forêts sacrées en guinée forestière, le musée de N’zérékoré sont autant de lieux touristiques inexploités. Ce secteur apportera un nombre important d’emploi pour la jeunesse et devrait être exploité pour juguler le taux de chômage et soutenir notre potentiel artisanal.
La e politique connaîtra dans les prochaines années un renouvellement important avec l’arrivée d’une nouvelle génération dominée par les jeunes ayant moins de 50 ans. Le débat intellectuel, la contradiction des programmes de société et les réseaux sociaux soutenus par la presse feront que les prochains hommes politiques ne se refugieront plus derrière l’ethnie ou la communauté. Il n’est pas tout de même exclu de voir naître des partis politiques à connotation religieuse ou nationaliste. Ayant été acteurs de la gestion publique ces 20 dernières années, cette génération aura des portes ouvertes, devra tirer profit du long combat politique et des échecs des prédécesseurs pour faire distinguer la Guinée. Elle bénéficiera notamment des acquis de cette gouvernance du Prof Alpha CONDE.
La société civile remplacera les luttes syndicales car elle mobilisera au-delà des syndiqués et sera plus pointue avec des hommes et femmes de conviction. Les nouveaux acteurs de cette société civile devront opposer aux gouvernants des arguments forts et les contraindre à respecter leurs engagements. Elles doivent être gage de la bonne gouvernance.
La décentralisation guinéenne avec les compétences transférées aux collectivités locales et régionales réduira la centralisation du pouvoir dans la capitale et favoriserait la redevabilité envers les gouvernés. Encore faut-il que les intellectuels de conviction s’engagent en politique pour transformer cette opportunité.
Enfin, le capital humain est l’avenir de ce pays à tout bout de champ. Investir dans le capital humain, c’est assurer le présent et le futur d’une nation. Les frontières sont en train de disparaitre et nous nous acheminons vers un monde de capital humain qualifié et sain dans un environnement sain. Un Etat ayant soixante ans avec une population à moitié jeunes surtout féminine devrait bâtir une politique courageuse sur ce capital.
Dr Bouna YATTASSAYE
bounayat@gmail.com / 622 48 68 23